« Le tout est plus que la somme de ses parties. » On ne sait qui d’Aristote ou de Confucius a prononcé ces quelques mots iconiques. Une chose est sûre, le propriétaire de la maxime n’avait assurément pas en tête le cannabis en édictant cette phrase. Et pourtant… L’effet d’entourage, c’est précisément ça : l’interaction entre tous les composés de la plante de cannabis, bien plus puissante qu’un seul cannabinoïde, THC, CBD ou autre, pris isolément. Autrement dit, les cannabinoïdes sont bien plus efficaces lorsqu’ils sont pris avec la plante entière, et tous ses composés, plutôt que lorsqu’ils sont purs.
CBD, THC & cie
Imaginons que le cannabis soit un orchestre, dont chaque composé serait un musicien. Les deux plus célèbres sont indéniablement le THC et le CBD. Consommé seul, le THC entraîne euphorie, mais aussi, parfois, anxiété et paranoïa. A l’inverse, le CBD n’a pas d’effet psychoactif. S’ils sont consommés ensemble, le CBD atténue les effets indésirables du THC, comme l’anxiété. Encore dans l’ombre de leurs deux grands frères, le CBG et le CBN sont aussi des cannabinoïdes. Et si les recherches qui les concernent sont encore balbutiantes, les premiers résultats sont extrêmement prometteurs. Le CBG, qui ne fait pas planer, aurait des effets apaisants et antidouleur. Comme le CBD, il atténuerait l’anxiété parfois provoquée par le THC. Tout aussi discret, le CBN marque lui aussi des points. Sa concentration augmente avec l’oxydation du THC, lorsque la plante est exposée au soleil. Les connaisseurs évoquent son haut potentiel relaxant.
Cannabinoïdes sous influence
Mais ce n’est pas tout. Car dans le cannabis, se trouvent bien d’autres « musiciens ». Parmi eux, les terpènes. Ce sont eux qui donnent au cannabis son odeur. Surtout, on pense que ces terpènes pourraient influencer le CBD, le THC, et les autres cannabinoïdes. Chaque variété de cannabis ayant des ratios terpènes/cannabinoïdes différents, les effets sur l’organisme, eux aussi, varient. La plante de Cannabis Sativa L. est composée de plus 500 substances différentes, des acides aminés, des protéines, des flavonoïdes responsables de la couleur de la plante…, agissant les uns sur les autres, modifiant les effets des uns et des autres. L’effet d’entourage, c’est ça.
Des chercheurs sachant chercher
En 1964, le chimiste israélien Raphael Mechoulam réussit à isoler l’un des cannabinoïdes du cannabis, le tetrahydrocannabinol (THC). Depuis, les chercheurs ont à maintes reprises étudié les effets de la molécule sur l’organisme. L’effet d’entourage, lui, n’a pas eu droit au même intérêt. Aucune étude clinique n’a, à ce jour, validé cette hypothèse. Seul le chercheur américain Ethan Russo a sorti de l’obscurité ce sujet, étudiant les interactions entre cannabinoïdes et terpènes, en 2011. Ce relatif anonymat devrait bientôt être levé. Le chercheur Ryan Gregory Vandrey, parmi d’autres, mène ainsi actuellement une étude sur l’effet d’entourage. Pour, enfin, sortir du flou. Il donnera des extraits de THC à 20 volontaires. Puis il refera l’expérience en combinant le THC avec du limonène, une molécule de la famille des terpènes. En parallèle, ils sont de plus en plus nombreux à être convaincus que le pouvoir thérapeutique du cannabis réside dans l’interaction entre ses différents composants.
Feu vert pour l’expérimentation du cannabis thérapeutique
En attendant d’en savoir plus sur cet effet d’entourage, le cannabis thérapeutique commencera à être expérimenté en France, au plus tard le 31 mars 2021. 3000 malades, qui ont tout essayé et qui continuent d’avoir mal, testeront le cannabis médical. Ces patients souffrent de douleurs chroniques neuropathiques, de sclérose en plaques, ou de complications liées à une chimiothérapie. Le cannabis sera utilisé en dernier recours, lorsque tous les autres traitements testés pour faire taire la douleur auront échoué. L’idée n’est pas de prouver l’intérêt thérapeutique du cannabis -cela a été fait il y a longtemps, mais d’étudier de quelle manière son utilisation à des fins médicales pourrait être mise en place dans l’hexagone. Dans ce contexte, mieux comprendre l’effet d’entourage est essentiel. Et savoir quel rôle joue chaque molécule, quels sont leurs effets quand elles sont combinées, et à quels effets indésirables s’attendre, est tout sauf accessoire.