Le CBD ou « cannabis légal » connaît un engouement depuis plusieurs années. La vente des fleurs de chanvres, principal produit vendu dans les boutiques spécialisées est pourtant soumise à un flou juridique. Le gouvernement a clarifié sa position, dans un arrêté, du 31 décembre en «interdisant la vente de fleurs de chanvres et de feuilles brutes ».
Surnommé aussi « cannabis light », le CBD est l’abréviation de cannabidiol. C’est une molécule présente dans le chanvre (appelé également cannabis). A la différence de la molécule de THC (tétrahydrocannabinol) psychotrope, aussi contenu dans le chanvre, le CBD n’est pas un stupéfiant. Fumé ou consommé sous forme de tisane, il est considéré comme ayant des vertus relaxantes.
Un arrêté de 1990 autorise « la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) de variétés de Cannabis sativa L, dit le texte. Seulement, le CBD se trouve uniquement dans les fleurs et les feuilles du chanvre et non dans les fibres et graines. En théorie, le CBD est donc interdit à la vente.
En 2018, un magasin de Dijon a été poursuivi pour trafic de stupéfiants. Il a été condamné en première instance, mais l’affaire se poursuit devant la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE). Cette dernière contredit les autorités françaises : Un État membre ne peut interdire la commercialisation du cannabidiol (CBD) légalement produit dans un autre État membre lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines.. En juin 2021, la Cour de cassation, la plus haute juridiction française, a confirmé la décision de la justice européenne.
Que dit l’arrêté ?
L’arrêté, publié dans le Journal officiel le 31 décembre 2021, clarifie la position de la France. Il interdit : « La vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange, avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation. »
L’État estime que les fleurs de CBD posent un problème de santé publique. En revanche, sont autorisées la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale des seules variétés de Cannabis sativa L.. Avec comme condition que la plante de chanvre ait une teneur en THC non supérieure à 0,3 %, contre 0,2 %, précédemment.
Que cela signifie-t-il concrètement ?
Cela veut dire que le CBD est légalisé : sa production et sa commercialisation sont autorisées, mais il est interdit de le fumer. En revanche, les boutiques ne peuvent plus vendre de fleurs de chanvres, ni même de tisanes au CBD (à base de feuilles brutes interdites), soit la plupart des produits vendus par ces magasins spécialisés. En effet, cela représente en moyenne 70 % de leur chiffre d’affaires. Seuls les produits cosmétiques et les huiles de CBD pour cigarette électronique sont autorisés à la vente.
Qu’en pensent les acteurs du secteur ?
Ils ne comprennent pas et la plupart des boutiques spécialisées continuent de vendre ces fleurs. « Très clairement il y a un esprit de résistance, notamment car il y a la certitude absolue de l’illégalité de cet arrêté au regard notamment du droit communautaire », explique ainsi Charles Morel, président de l’Union des professionnels du CBD.
Pour Aurélien Delecroix, président du Syndicat professionnel du chanvre c’est de l’intimidation . Selon lui, la justification de santé avancé par le gouvernement ne tient pas. « Les plantes à fumer devraient être catégorisées comme le tabac. La cour de justice européenne prend en compte l’aspect sanitaire dans sa décision. Cet arrêté n’est pas justifié », explique-t-il à Ouest France. Selon lui, la France a tout intérêt à commercialiser les fleurs qui «pourraient être taxées jusqu’à 50 % ».
Quel recours possible ?
Le syndicat professionnel du chanvre va déposer un recours devant le conseil d’État afin que celui-ci étudie la validité de cet arrêt par rapport au droit européen. Un référé en suspension, va également être déposé. Cette procédure d’urgence vise à demander au juge de suspendre l’arrêté le temps que le dossier soit jugé sur le fond.
Quel poids économique représente la filière de la fleur à fumer ?
La croissance des magasins est exponentielle. Les premiers ont ouvert en 2018. Depuis, ils se sont multipliés partout en France passant de 400 fin 2020 à plus de 2 000 aujourd’hui.
Le marché des fleurs à fumer en 2021 a généré 300 à 400 millions d’euros de chiffre d’affaires. Si on avait une réglementation claire, les tabacs pourraient en vendre, on estime que le secteur pourrait représenter 1 milliard d’euros de chiffres d’affaires, détaille Aurélien Delecroix, président du Syndicat professionnel du chanvre.
Des milliers d’emplois sont générés par ce marché. Si l’on compte seulement les détaillants, c’est-à-dire les commerçants, il y a environ 6 000 emplois. C’est toute une filière qui est menacée, poursuit-il.